mercredi 25 janvier 2012

ça pourrait être lui, ça pourrait être moi.....

Quelle émotion devant cet hommage, dans ce régiment qui était celui de l'ours jusqu'en 2009... C'est vraiment terrible.... Comme ces familles doivent se sentir mal... Comment arrivent-elles à supporter tout ça, toutes ces cérémonies, certes d'hommage, mais qui remuent le couteau dans la plaie.... Les Invalides, l'hommage national au régiment, et il va encore leur falloir affronter les funérailles....
Comme je pense fort à ces familles....

Ça me remue les entrailles... D'autant plus que, forcément, je m'identifie, parce que ces hommes dans ces cercueils drapés de bleu-blanc-rouge pourraient être le mien, et que ça réveille en moi une angoisse que je garde enfouie aussi profondément que possible en temps normal, et encore plus quand mon amour est en OPEX, là où le danger est plus grand...
Mais voilà, cette angoisse bien cachée resurgit à chaque fois qu'un soldat tombe, comme une plaie qui ne cicatrise jamais, et qui se rouvre à chaque occasion, de plus en plus douloureuse...

Je la déteste cette angoisse, je la hais.... Parce qu'elle me parasite, parce qu'elle révèle un coté de moi que je n'aime pas, un coté vulnérable et triste, ce que je me refuse à être....Parce que certes notre vie est particulière quand on est femme de militaire, mais qu'elle n'est pas pire que d'autres....
Je me refuse à être la pleurnicheuse de service, qui gonfle tout le monde parce qu'elle est la seule dont le mari est absent, parce qu'elle stresse aux moindres alertes infos, parce qu'elle ne participe pas pleinement à la fête, parce qu'elle est trop là quand son mili est loin, et indisponible quand il est rentré.... Je ne veux pas attirer la pitié, je ne veux pas être quelqu'un qu'on regarde en disant "la pauvre".....

Je veux rester cette fille forte et positive, qui supporte les absences et les risques en répétant comme un mantra que la peur n'évite pas le danger, que "pas de nouvelles, bonnes nouvelles".... Qui assume autant que possible le fait de ne rien pouvoir prévoir, de devoir prévenir les quelques amis qui nous restent que non, il ne pourra pas être là, parce qu'il est en manoeuvre/OPEX.... Et j'en passe....

Mais parfois, comme aujourd'hui, c'est un peu dur... Dur de voir mon mari malheureux parce qu'il a encore perdu des collègues qu'il connaissait, et appréciait...Dur de me dire sans angoisse qu'il a une spécialité rare (120 sur toute la France), et donc que forcément son tour de partir ici ou là revient encore plus vite, avec les angoisses qui y sont liées.... Ces décès me touchent encore plus que d'habitude, parce que c'est Varces, parce qu'il les connait, mais aussi parce que l'un d'eux avait exactement la même spécialité que mon ours...

Les circonstances aussi font que je suis touchée.... Ces hommes ont été tués par un traitre, un lâche, mettant à mal le peu de confiance que les hommes ont en l'ANA....Parce que non, les soldats français n'ont pas entièrement confiance en ces Afghans qu'ils forment...Tout simplement parce que là-bas, personne n'est fiable à 100%, et que les sourires se transforment en cris de haine et en tirs de Kalach en 1h.... Si les opérations de Mentoring reprennent, les hommes auront toujours dans un coin de leur tête l'idée que l'homme à qui ils apprennent à tirer pourrait très bien se retourner contre eux....Comment être serein dans ces circonstances?

Mon coeur réclame un retrait urgent des troupes de ce bourbier...Mais je connais suffisamment le contexte pour savoir que ce n'est pas possible.... Et il n'est même pas question de dignité là-dedans, je me fous totalement de la réputation de la France, je me fous que la France ait l'air de fuir, parce que je sais bien que ce n'est pas vrai.... Mais surtout si on réfléchit, un retrait rapide n'est absolument pas possible....Il faudrait rajouter des troupes, de la logistique..Les convois ne peuvent pas se déplacer sans soutien, sans déminage, sans appui aérien... Sans parler de toutes les installations sur place...Que faudrait-il faire? Tout faire exploser et faire table rase avant de partir? Non, c'est trop compliqué, et trop cher......

Alors nous allons encore devoir attendre, refouler nos angoisses en voyant nos hommes repartir.... En espérant qu'ils reviendront tous entiers, pour que nos enfants n'aient jamais à pleurer devant un cercueil bleu blanc rouge entourés de soldats au garde à vous...




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4 commentaires :

  1. Pourquoi refuser le "côté vulnérable et triste" qu'il y a en toi, c'est au contraire tout à ton honneur de rester humaine devant des actes de barbarie.
    A moi de rendre hommage, à eux, à vous ces femmes de mili qui me touchent profondément.
    Merci Nath

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  2. J'attendais que tu écrives sur ce drame.

    Si ce n'est pas indiscret : quelle est la spécialité de l'Ours ?

    Allez, beaucoup de courage à toi, ton homme et tous vos amis.

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  3. @Catwoman il est guideur aérien (dans les articles qui en parlent tu trouveras JTAC ou FAC)...En gros il dirige l'appui aérien pour protéger les manoeuvres des mecs au sol(par exemple) quoi. Aucun tir d'avion ne se fait sans guidage aérien, car ce sont eux qui guident les avions jusqu'à la cible par exemple...C'est dire si c'est lourd de responsabilités...

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  4. Je débarque et je me permets, mais ton témoignage m'a beaucoup touchée. Je n'y connais rien, mon t'chéri n'a pas un métier risqué, mais j'sais pas,ce que tu écris, cette angoisse qui affleure, y a pas, ça m'a fait frissonner. Bref, bref, je ne peux que te souhaiter beaucoup de courage...

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Hop, à vous la parole!
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