jeudi 24 janvier 2013

Mais comment tu fais????

Parmi tout ce qu'on peut me dire quand j'explique le boulot de mon mari, les absences fréquentes, les demi-années sans lui, les guerres, ce qui revient le plus souvent (et je pense ne pas me tromper en disant que c'est pareil pour toutes les femmes de mili), c'est:

Mais comment tu fais?

Souvent je réponds de manière badine "oh on fait comme on peut", genre je gère trop bien quoi..... Mais c'est vrai que je n'approfondis pas particulièrement...
En même temps on ne passe pas son temps à réfléchir sur ce qu'on vit, comment on le vit etc. Et heureusement d'ailleurs, je ne suis pas sûre que ça aiderait beaucoup de le faire en permanence....

Mais quand je me pose comme ce soir, que j'ai l'âme vagabonde, je me dis "mais c'est vrai, comment je fais?"....

Je crois que même si c'est le gros cliché de le dire, ce qui me tient vraiment, mon moteur, mon carburant, c'est incontestablement l'amour que j'ai pour mon ours, qui nous unit depuis plus de 15 ans (ouch le coup de vieux!).... 
C'est clair que c'est vraiment bateau, limite je suis persuadée que certains ne veulent pas y croire, mais pourtant c'est la pure vérité... J'ai toujours fonctionné avec le coeur plus qu'avec la raison......

Et il fallait que je l'aime mon ours pour m'engager dans cette vie à ses côtés, parce que pour vous donner une idée de ce contre quoi j'ai dû lutter, c'est que j'étais quasiment antimilitariste quand je l'ai connu.... 
Déjà j'étais très idéaliste, limite utopiste, je le suis toujours un peu, mais avec l'âge, les aléas de la vie, je le suis moins.... 
J'étais la seule de mes copines à ne pas aimer les uniformes, mais pas du tout (euh bon ça n'a pas tellement changé, je préfère mon ours en civil!^^)....Elles se pâmaient presque et poussaient des petits cris hystériques dés qu'un camion vert passait et que les passagers nous sifflaient (classes!!!^^), et moi, ben je râlais, et j'étais dégoûtée! 
Sans parler de l'influence de mon père, qui avait la vision de l'armée qu'il avait connue pendant son service militaire, avec des choses plus stupides les unes que les autres, des chefs caricaturaux, etc etc. Il disait toujours "à l'armée j'ai appris une seule chose: être fainéant"......... 
Ça vous donne une idée de mes influences!!!

J'ai connu l'ours à la fac, j'ai découvert un jour qu'il voulait depuis longtemps être militaire, j'ai occulté ça dans un coin de ma tête, je le voyais réussir ses études, mon optimisme naturel me maintenait dans l'idée qu'il allait trouver une autre voie......Sauf qu'un jour, BAM, ça revient sur le tapis, il me dit qu'il va passer le concours pour rentrer à l'école des Sous-Off de St Maixent.....
Je ne vous raconte même pas le drame intérieur que je vis.... 
Déjà rien que l'idée de devoir annoncer à mon père que le petit étudiant sympa que j'ai ramené à la maison, qui plait à tout le monde, veut faire LE boulot quasiment le pire pour lui....GLOUPS!
(si ça peut vous rassurer, en voyant l'ours évoluer dans son boulot, mon père a appris à voir les choses différemment, et il était très fier de son gendre!)

Et puis surtout j'avais peur, très très peur..... D'abord, les préjugés contre lesquels je lutte à présent, je les avais bien ancrés dans le crâne (genre une femme dans chaque port, etc etc.).... 
Ensuite je savais très bien qu'un militaire est souvent absent, qu'il peut risquer sa vie, etc etc.
J'ai versé de nombreuses larmes, je peux vous le dire..... 
L'ours était désemparé, que dire en effet?  

Et puis un jour je me suis posé le problème clairement: Bon ma Nat, tu fais quoi? Est-ce que tu as vraiment le choix?  Soit tu n'acceptes pas son boulot, et là ben c'est pas la peine de continuer avec lui, parce que c'est son rêve, sa vocation depuis longtemps.....Soit tu prends un peu sur toi, et tu vis ton amour à fond, même si c'est dur......

Eh bien non, je n'avais pas le choix, je l'aimais déjà trop pour imaginer le perdre, donc je me suis embarquée dans cette histoire corps et âme, apprenant en même temps que lui les aléas de ce boulot......

Donc oui, je peux le dire, ce qui me tient avant tout, c'est cet amour immense qui nous unit, encore plus depuis que nos oursons sont nés....

Ensuite, je crois que les épreuves de la vie, quelles qu'elles soient, nous révèlent à nous-même.... 
Bon c'est vrai que déjà, entre St Maixent avec ses mois sans permission, puis mon année scolaire en Angleterre (dans le Nord hein tant qu'à faire, vers Manchester, pendant que l'ours était à Draguignan dans le sud de la France!!), la distance, l'absence, je commençais déjà à gérer..... Mais on était tous les 2 dans nos "études", on avait des projets professionnels, bref....rien à voir avec ce que j'ai vécu après... 
Et un jour, au bout de 5 ans, après avoir échoué 2 fois au CAPES, à 25 ans, j'en ai eu marre de cette distance...Je commençais à avoir envie de construire une "vraie" vie de couple, penser aux futurs enfants, tout ça..... Donc septembre 2002, je rejoins l'ours dans sa garnison, près de Grenoble..... J'avais un boulot, j'essayais tant bien que mal, sans plus trop de motivation, de retenter mon CAPES, mais surtout, ENFIN j'étais avec mon amour! 
Sauf qu'en plus des manoeuvres et gardes diverses, BIM février 2003 1er départ en OPEX (Opération Extérieure), 4 mois au Tchad, dans un camp où il n'y avait RIEN..... Il a pu m'appeler 3-4 fois en 4 mois, pas internet, juste les courriers, au gré des avions militaires.....
On a passé pratiquement 1 mois sans nouvelles.... Quand je dis ça aux jeunes compagnes de milis maintenant, qui ont le smartphone greffé à l'oreille ou aux doigts plusieurs fois par jours, elles me regardent comme si j'avais vécu 14-18!!!!XD 

Mais voilà, je peux vous dire que cette 1ère OPEX m'a "forgée" pour les suivantes...... Bien sûr que ce n'était pas simple, ce serait mentir que de dire que j'ai adoré ça.... Mais je me suis découverte.... J'ai découvert que je pouvais être forte, solide, que je pouvais gérer plein de choses, seule.... 

Depuis cette première opex, beaucoup de choses se sont passées, le mariage, les enfants, des deuils....des Afgha...

Ah les Afgha, encore une étape supplémentaire..... Vivre la guerre, c'est vraiment particulier, c'est vraiment différent des opex "classiques"..... C'est plus difficile, c'est certain, plus angoissant, plus fort en émotions, plus riche d'enseignements.....

La guerre, c'est effrayant, c'est l'enfer....Mais pour nos hommes, c'est aussi le seul moment où ils font leur vrai métier, où ils transcendent tout ce qu'ils ont appris.... N'entendez pas par là que ce sont des fous de guerre, genre Rambo quoi...Non non, très loin de ça...Mais voilà, il faut le reconnaître  pour eux c'est une sorte d'accomplissement..... 
C'est là que nous devons nous aussi nous transcender, essayer d'oublier notre peur, notre tristesse, tout ce qui nous donne envie juste de le retenir, de crier NON ne pars pas, reste avec moi, je ne veux pas risquer de te perdre......Nous devons retenir tout ça, parce que nous voulons que nos amours s'épanouissent....

Nous devons garder confiance en eux, en nous, en leur professionnalisme, en la vie tout simplement..... 

En tout cas moi c'est ce qui me fait tenir...Cette confiance inébranlable..... Et je me force, chaque jour que je passe sans nouvelle, à vivre selon l'adage "pas de nouvelle, bonne nouvelle".... Tant que je n'ai pas d'hommes en uniforme qui viennent frapper à ma porte, c'est qu'il va bien....

Ce n'est pas facile tous les jours, mais voilà, si on pense tout le temps à ce qui pourrait arriver, qu'il pourrait rencontrer quelqu'un d'autre, qu'il pourrait être blessé, ou pire.....On ne vit plus, c'est l'enfer sur Terre.....

Bien sûr que j'y pense, bien sûr que j'ai peur, mais si je m'effondre, comment je pourrai supporter un jour de plus? Et mes enfants, qui va être leur pilier si moi je ne le suis pas... 

Alors voilà, vous voulez savoir comment je fais?
Eh bien je vis, je profite quand je peux, je l'aime, j'ai confiance, en lui, en la vie, je crois en nous, j'essaie de ne pas penser au pire, je pense à la Bretagne, je m'accroche, pour nos enfants, pour nous, pour ce rêve breton, je fais l'ourse, je suis parfois égoïste, je vis pour nous et personne d'autre....

Tout simplement je vis et je pense qu'il y a toujours pire, et que je ne suis pas seule dans ce cas...

Et surtout je suis fière, de lui, de nous, de notre famille, de ce qu'on a construit, de ce qu'on partage...
Je suis fière de notre vie..

Je n'aurais jamais pensé dire ça un jour mais au final
Je suis fière d'être une femme de militaire

♥♥♥



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8 commentaires :

  1. J'ai aimé lire ton article. Je ne suis pas dans ton cas, mais j'admire ta force et ta volonté ! :-)

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  2. Les préjugés on en tous j'étais aussi anti-mili mais ça s'était avant durant mes années lycée je voyais au fil des mois des années mes amis s'engager dans l'armée et même ma meilleure amie qui était encore plus arnarchiste que moi. Leurs décisions m'ont surprises et puis au fil des perms quand on se retrouver tous ensembles je me suis vue les questionner et porter de l'intérêt à leur vocation parce que oui on ne devient pas mili comme ça juste pour la solde ou parce que l'on a rien trouvé d'autre il faut vraiment croire aux valeurs militaires, croire en son pays etc. Et plus ils m'expliquaient et plus mes préjugés s'effacaient. Là où je vis actuellement c'est limite que des villes mili donc de part de nouveaux amis et un membre de ma bellr-famille je suis encore plus dedans bien que je n'y suis pas au quotidien.

    Et puis sans le côté mili il y a aussi un tas d'autres métiers et à risques aussi qui font qu'un des conjoint soit absent souvent et sur de longues périodes et je pense que pour le couple cela peut être un avantage cela entretient la flamme et les retrouvailles n'en sont que meilleures.

    Mais il faut du courage pour supporter l'absence de l'autre, d'élever seule la plupart du temps ses enfants MAIS SURTOUT PARCE QUE C'EST LE PLUS DUR DANS TOUT CELA DE SURMONTER SA PEUR DE PERDRE L'AMOUR DE SA VIE.

    J'ai beaucoup de mes ami(e)s qui ceux sont engagés en étant en couple mais qui ceux-sont vite retrouvés célibataires alors que leurs moitiés connaissaient leur vocation, peu on la force de supporter cette peur comme tu le fait et c'est pour cela que je t'admire vraiment. <3

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  3. Et comme tu disais, une fois qu'il est parti c'est plus simple à gérer. J'avais ça mais à moindre échelle avec le Chti quand on vivait à distance, le départ je pleurais comme une madeleine, puis on se mettait dans le rythme jusqu'à ce que l'on se revoit.
    Sauf que je pouvais l'appeler quand je voulais et que il risquait pas sa vie à l'autre bout du monde ^^

    Mon grand-père était très fière quand j'étais tiote car je voulais devenir marin, passionnée de mer et des voyages comme j'étais. Puis j'ai eu un chat et j'ai laissé tombé l'idée parce que comment partir des mois loin de mon chat ?!!!

    Dans tous les cas, may the force be with you :)

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  4. Ça donnerait presque envie de faire sa vie avec Militaire .... c'est dire s'il en dégage de l'amour ton billet ;-)

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  5. C'est un très beau texte !
    Bravo pour ta force et ton courage, je t'admire vraiment... Je ne sais pas si moi je pourrais en avoir autant !
    Bises

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  6. Je voulais etre mili...
    Beau texte si vrai!
    Eih sinon vous vivez ou en ce moment?
    D.

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  7. découverte du blog via Ragnagna, c'est un superbe texte très émouvant.
    Quand on arrive à passer le cap de ne pas voir la personne qu'on aime à un rythme "normal" je pense que comme le dit Ragnagna on apprécit encore plus les moment passer ensemble comme dit dans le post. dans notre cas c'est pareil à une échelle beaucoup plus ridicule que toi certes, mon compagnon est cuisto et même si on vit ensemble, je ne le voit que deux jours par semaine et même si ce n'est rien comparé à des mois d'absences ces deux petits jours sont toujours des moments que j'attends avec impatience!
    je vais continuer à découvrir ce blog très sympa en tout cas :)

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Hop, à vous la parole!
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